Papier personnel

publié le 15/12/2016

Sale Gosse

Théâtre
Auto-Psy, de petits crimes innocents
Cie La Rose Bleue
Le 2 décembre 2016
A La Guinguette

Cachée depuis des années derrière les murs gris d'une des droites avenues de Fontaine, le café-théâtre La Guinguette égaye la ville d'une abondante programmation de comédies. La main sur la tireuse à bière, la patronne, stoïque mais cordiale, fait perdurer avec passion et nostalgie ce lieu de vie. La salle, aux allures de troquet dont les tables ont toutes été retranchées pour laisser place à un espace de fortune, accueille avec modestie clients et compagnies. Vendredi et samedi 2 et 3 décembre s'y invitait La Rose Bleue pour leur premier spectacle Auto-Psy, de petits crimes innocents, mis en scène par Katia Juilliard, sur un texte de Gérald Gruhn.

Aurélie Preux y incarne une gamine égarée au tempérament impulsif. Depuis sa naissance, les grands n'ont pas vraiment su lui donner les repères et les valeurs adéquates pour s'intégrer à la société ; et ainsi va sa vie. Acquérant, aux dépends de ces rencontres, ce qu'elle pouvait prendre de mieux en eux, la fillette rapidement femme, part à la recherche d'une voie, d'une direction, d'un sens qu'on ne lui a jamais r-enseigné. L'on suit alors ses tribulations qu'elle nous raconte dans un seul-en-scène divertissant.

A dérider un chauve

Le texte de Gerald Gruhn est une suite de caricatures, si dans le fond elles ne se révèlent pas perspicaces, leur potentiel comique est indéniable. Aussi, l'accueil bon enfant réservé par Katia Juilliard est de bon ton. Effectivement, elle impose à tous chauves de porter une perruque. Notons ici que le nombre de chauve se rendant au théâtre est impressionnant ! Outre pointer du doigt la calvitie comme mal du siècle, cette entrée en matière annonce la note d'intention. Sans grande prétention, le spectacle est amusant. Aurélie Preux excelle dans l'exercice. Les courtes interventions des personnages sont drôles, voire mieux maîtrisées que le long monologue de la jeune fille. On la verrait bien dans un match d'impro, d'autant plus qu'elle s'illustre dans les interactions avec le public, pour lequel elle a peu de pitié.

C'est dans la boîte

En ce qui concerne la scénographie, Katia Juilliard a su s'approprier avec ingéniosité le peu de moyen pour en faire une force. Judicieusement utilisé, l'espace réduit à un mètre cube et demi est parfaitement et adapté et adaptable. Néanmoins, cette recherche pertinente prend parfois le pas sur la direction d'acteur. Les accessoires fréquemment utilisés gomment le jeu, jusqu'à placer le travail dramatique au second plan. Le bain pour la lessive n'a plus la même originalité lorsqu'il revient pour Doudou, les divers changements de costumes, bien loin d'un Brachetti, allongent plus qu'ils n'enrichissent et la voix infantilisée de la comédienne sur toute la première partie du spectacle flirte dangereusement avec l'agacement.

Cette défiance, prudence ou négligence, de l'acteur, alors compensée par des facilités et raccourcis scéniques alourdit l'effet comique, renvoie à l'amateurisme et étire la pièce. Une malheureuse maladresse, d'autant plus que la structure du texte lui-même enchaîne les sketches en collier de perles de façon interminable.

En somme ce premier spectacle est une promesse pour l'avenir, cette jeune compagnie possède tous les atouts pour proposer de bonnes comédies franches et légères, à accueillir dans les cafés-théâtres, les salles des fêtes, ou même, les appartements. Deux prochaines dates sont d'ores et déjà prévues le 25 et 26 janvier à l'Espace Schœlcher de Seyssins.



Aurélie Preux offre à plusieurs reprises un exquis sourire dont elle ne se lasse pas. Au bout d'un moment, j'en suis venu à me demander ce qu'il était advenu du mien. Pas le forcé, mais l'autre, le bon, le franc, le rassurant. J'avais lu quelque part que sourire libérait toute une chimie adoucissant l'esprit et le corps. Fort de ce constat, je me suis donc mis à l'œuvre pour le retrouver.

Il faut tirer avec force sur les muscles du visage. Le but est de pousser les pommettes au maximum, jusqu'à ce qu'elles ressemblent à deux collines bombées. De ce fait, elles entraînent dans leur sillage les commissures, libérant, quitte à écarter les lèvres, toute la rangée des dents supérieures à la lumière percutante du soleil. Placer la langue entre les incisives, ou les molaires peut aider ! Pour éviter l'air hypocrite, ressemblant à deux gouttes d'eau à celui constipé, il faut forcer la machinerie jusqu'à ce que les yeux s'arquent, que les paupières s'étirent et couvrent légèrement la partie extérieure de l'œil, celle d'où partent les pattes d'oie. Avec ça, ces rides on les creuse au burin, mais c'est pour la bonne cause !

Ainsi maquillé je me suis lancé dans les rues. Quelle originalité dans l'apparence ! Quelle exubérance ! Marginalité ! L'autre alors se demande ce que cet imbécile a à sourire. Susceptible il passe sa langue sur les dents, sa main dans les cheveux ou jette un regard discret sur ses habits. Puis devant l'insistance, tirant vers l'incompréhension, il se retranche dans une attitude défensive en fronçant les sourcils et détourne le regard, ou alors, il esquisse à son tour un sourire gêné. Du coup, face à ce mal-être, le mien faiblit et se transforme en un rictus de connivence, un peu plus conventionnel. C'est avant de s'anéantir complètement face à une seconde confrontation, comme bref souvenir d'un effort vain qui s'oublie.

Est-il si mal venu de sourire ainsi dans la vie ?


T. COPIN



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